LES JING DANS LES ARTS CHINOIS

 

 

Par Fabien Sena, traduit & édité par Christophe Frugier


Note du traducteur : Le Jing est une notion caractéristique des arts martiaux chinois dont la traduction littérale oscille entre énergie / force / puissance et /ou technique / tactique. Pas simple.... Ceci dit, sachez que leur utilisation en tant que signifiant est quasiment systématique dans les traités classiques sur les arts martiaux chinois qui sont parvenus jusqu'à nous.

Cette version établie par F SENA, pratiquant expérimenté de Luohan Quan(la boxe des luohan), est à ma connaissance une des rare réalisée à ce jour. Je considère à titre personnel, que c’est un des textes les plus important en rapport avec les arts martiaux chinois, qui me soit passé entre les mains depuis un bon moment.


Cette liste des Jings a été classifiée par Chen Yen Ling qui les « emprunta » aux livres du clan Yang, ces jings reflètent donc les conceptions de la famille Yang mais peuvent être retrouvés dans la majorité des arts martiaux internes ou externes traditionnels.


La plupart d’entre eux sont présents dans la boxe des luohan telle qu’elle est enseignée aujourd’hui et selon les niveau de pratique : Ming Jing (énergie brillante), An Jing (énergie tranquille) ou Hua Jing (énergie de transformation).


Bien qu’elles soient toutes appelées « Jing » vous constaterez que certaines de ces forces ne sont « que »des techniques ou des pratiques qui utilisent la force interne des arts martiaux.

 

  • DING JING (énergie d’écoute) Peng est aussi appelé énergie d’écoute car c’est par son biais que l’on peut ressentir la présence physique de l’adversaire. Lorsque le pratiquant cherche à développer cette force, il fait porter le travail sur la construction d’une connexion entre lui et son adversaire. Grâce à cette recherche de sensibilité le pratiquant peut déterminer la puissance de l’adversaire, le placement de son centre de gravité, la direction de ses déplacements, ses poussées,... comme s’il en percevait des vibrations. En approfondissant les sources de la puissance (DONG JING), on peut continuer à développer sa sensibilité d’écoute jusqu'à ressentir les forces. En d’autres termes, l’esprit devient capable d’analyser et de mesurer les différentes composantes du mouvement de l’adversaire et donc, d’interagir en fonction. Dans la plupart des arts martiaux chinois, l’on utilise la pratique des Tui Shou (mains collantes) pour développer cette sensation.
  • ZIANG LIANG JING (énergie d’adhésion) A travers les pratiques combinées des mains roulantes, des poussées et du processus de transfert de puissance inversée, le pratiquant développe sa sensibilité et sa capacité de contrôle, connues sous le nom d’énergie d’adhésion. En d’autres termes, le pratiquant doit être capable de se coller à un adversaire pour pouvoir le contrôler, attaquer, ou se défendre d’une de ses attaques. De façon générale, après le contact initial entre deux adversaires dans une situation de combat libre, le pratiquant peut utiliser Peng pour sentir la main de son opposant (à un niveau supérieur, cette sensibilité s’étendra au corps dans son entier) et il va ressentir une sensation sensiblement proche du magnétisme. L’adversaire se sent comme collé au pratiquant, un peut comme un chewing gum à votre semelle. Le ralentissement de la vitesse d’exécution de votre opposant, mais aussi la capacité à rediriger toute forme d’énergie par lui émise, sont des applications spécifiques de l’énergie d’adhésion (une poussée directe se voit ainsi détournée sans cause apparente. On utilise également cette énergie dans le tour de foire dit de « l’homme inamovible »).
  • ZUO JING (énergie de poursuite) En combinant les différentes énergies déjà décrites, il est possible d’atteindre un nouveau niveau de pratique et de développer l’énergie de poursuite. Ce type d’énergie permet au pratiquant de suivre son adversaire dans quelle que position que ce soit, dans toute situation, et d’y répondre de façon appropriée.
  • HUA JING (énergie de neutralisation) Grâce à l’énergie de neutralisation, le pratiquant est capable d’utiliser son énergie de poursuite de façon subtile afin de contrebalancer ou de rendre inefficace les capacités offensives ou défensives d’un opposant.
  • CE JING (énergie de d’emprunt / de subtilisation) Par le biais de l’énergie de subtilisation, le pratiquant peut subtiliser la puissance / l’énergie de son adversaire pour l’adapter à ses besoins propres. Par exemple, lorsque un ennemi attaque avec une force de disons 10 kilos, le pratiquant peut certes la neutraliser (plier sous l’attaque), mais aussi absorber cette force pour la renvoyer, le plus souvent sous un angle tel que l’ennemi est projeté au loin par sa propre force. Dans la boxe des Luohan, cette énergie est utilisée au niveau « An Jing » dans chaque mouvement qui semblait être un blocage au niveau « Ming Jing ».
  • YING JING (énergie de soustraction) S’il arrive qu’un adversaire refuse de transférer son énergie, le pratiquant se trouve dans une situation où il ne peut pas emprunter l’énergie (CE JING). Dans ce cas de figure, c’est au pratiquant d’amener son adversaire à altérer son énergie de façon à ce qu’il puisse la lui renvoyer. Ce processus est désigné sous le nom d’énergie de soustraction de puissance à un ennemi. La psychologie et les réflexes sont probablement les constituantes principales de cette méthode.
  • DI JING (énergie de déracinement) La capacité à déséquilibrer un adversaire en lui faisant perdre ses appuis au sol, est désignée par le terme d’énergie de déracinement. Lorsque elle est utilisée de façon modérée, en dirigeant le Peng vers un point situé au dessus du centre de gravité de l’adversaire par exemple, cette énergie le fera comme flotter. Dans la boxe des Luohan, cette énergie est utilisée pour préparer les contre attaques et les projections, en conjonction avec la puissance des bras, des hanches et des positions.
  • CHEN JING (énergie de d’enracinement) En inversant la pratique de l’énergie de déracinement, le pratiquant est capable de développer sa capacité à s’enraciner, l’utilisant comme parade contre une tentative de déracinement. Réussir son enracinement peut faire percevoir à un opposant que sa tentative de déracinement est vouée à l’échec. Un corps relaxé mais vigilant est la source de cette énergie. NA JING (énergie de contrôle) L’énergie de contrôle est utilisée dans la pratique des mains roulantes ou dans la pratique des mains libres. Le pratiquant essaiera d’utiliser diverses méthodes pour contrôlez la situation et éventuellement amener son adversaire vers l’échec ? L’utilisation pérenne et judicieuse du Peng ainsi qu’une attention constante ( connexion) sont les éléments clefs de cette pratique. Dans la boxe des Luohan cette force est appelée « énergie d’emprisonnement » car elle permet d’amener l’adversaire dans une position instable.
  • KAI JING (énergie d’ouverture) C’est l’application de l’énergie interne qui amène un adversaire resté sur ses gardes sur un laps de temps étendu, à ouvrir ses défenses et par conséquent être défait. La psychologie et les réflexes en connexion avec l’adversaire sont les clefs de voûte de cette pratique. HE JING (énergie de rapprochement) Dans cette utilisation le pratiquant redirige son énergie interne vers l’intérieur de façon à amener un adversaire à réagir en se rapprochant de son centre de gravité pour se retrouver sur la défensive. Il est possible d’emprisonner son adversaire lors de ce processus de rapprochement, parce qu’étant attiré bien en deçà de son point d’équilibre, il ne peut plus s’échapper vers l’extérieur. Le pratiquant est donc en mesure de le contrôler et par conséquent, de le défaire. C’est la stratégie idéale pour affronter un adversaire impétueux. On l’attire dans une « zone » qu’il ne surveille pas et on le laisse s’effondrer contre une partie dure du corps (le genou, le coude, l’épaule,...)
  • PUO JING (énergie de déflexion) Il s’agit d’un développement spécifique de la puissance interne. En utilisant l’énergie de déflexion, le pratiquant est capable de faire rebondir l’attaquant sur le coté, ou de détourner sa force, pour s’écarter d’une zone à risque. C’est la capacité à contrôler non seulement votre Peng mais aussi les vecteurs force de votre adversaire (qu’il utilise le Peng ou non) qui est ici capitale ZHOU JING (énergie d’enrobage) Ce transfert de force est obtenu grâce à un mouvement d’enroulement des mains ou d’une autre partie du corps. Le mouvement recherché est identique à celui que l’on utilise lorsque l’on façonne entre ses paumes un morceau d’argile pour en faire une « corde » allongée. C’est une technique utilisée en Chin na pour attaquer les muscles d’un adversaire.
  • FA JING (énergie explosive) Ce transfert de force est obtenu par le biais d’une explosion d’énergie libérant massivement la puissance de façon à déborder un adversaire. Dans la boxe des Luohan, au niveau Ming Jing, cette énergie est utilisée dans tous les mouvements offensifs.
  • CHANG JING (énergie longue) Une variation de Fa Jing avec une Intention (Yi) particulièrement étendue. L'adversaire se sent poussé au loin comme par une force irrésistible. Comme pour Fa Jing, tout le corps est mis a contribution pour générer cette énergie.
  • DUAN JING (énergie courte) Une variation de Fa Jing avec une Intention (Yi) particulièrement courte. L'adversaire se sent secoué violemment, et peut souffrir de lésions internes. Au contraire de Chang Jing, l'adversaire ne part pas vers l'arrière mais au contraire d'écroule vers l'avant. Comme pour Fa Jing, tout le corps est mis a contribution pour générer cette énergie.
  • CE JING (énergie tournante / désaxante) Lorsque l’on utilise l’énergie interne à cette fin, l’on « tord » un adversaire dans l’esprit du mouvement que l’on utilise pour essorer une pièce de tissu gorgée d’eau. Ce type de mouvement est utilisé pour forcer un adversaire dans une situation où il sera aisément défait, ou simplement contenu. La version interne de cette stratégie diffère de la version externe en cela qu’elle repose sur l’application pratique de lois physique plus que sur la puissance musculaire.
  • ZHUAN JING (énergie spiralée) En raison du mouvement qui le caractérise, ce type de transfert de force est souvent dénommé énergie de vissage. Principalement usité en Ba Gua Zhang, cette énergie est utilisée dans tous les mouvements tournants de la boxe des luohan permettant à une position potentiellement faible de se convertir en un mouvement puissant. Il est essentiel de posséder déjà de bon appuis au sol et une partie basse du corps musclée.
  • CI JING (énergie tranchante) ou HENG JING (énergie croissante) Cette énergie est caractérisée par des mouvements nets, tranchants, qui sont appliqués latéralement à un ennemi pour interrompre ou neutraliser une attaque. Utilisé en combinaison avec Zhuan Jing, cela permet de générer des mouvements extrêmement puissants qui vont infliger des dommages conséquents.
  • DUAN JING (énergie d’interruption) L’énergie d’interruption fait référence à l’aptitude à «... lâcher l’énergie dans l’adversaire de façon à ce qu’il ne puisse rien accaparer, puis retourner (contre vous)... » de votre puissance. Ce talent est particulièrement difficile à obtenir et nécessite un esprit extrêmement entraîné.
  • CUN JING (énergie d’un pouce -2,5 cm-) Parfois dénommée énergie de courte distance... La capacité à libérer une grande puissance dans un mouvement d’ampleur limitée. Le plus célèbre des artistes martiaux ayant utilisé cette énergie est sans aucun doute Bruce Lee (le fameux coup de poing sans recul), pour atteindre l’efficacité optimum, Zhuan Jing, Fa Jing et Yin Jing sont requis.
  • ZUO TE JING (énergie de flexion) L’énergie de flexion englobe la capacité à plier le corps et à frapper avec la partie du corps la plus rapprochée de l’ennemi en utilisant le Fa Jing. Par exemple, si un ennemi saisit votre poignet, frappez le avec le coude en utilisant Fa Jing ou Cun Jing ; s’il saisit votre coude, frappez le avec l’épaule (Kao) ou la hanche, etc....
  • LIN GONG JING (énergie à distance) C’est la pratique qui permet, supposément, de frapper à distance sans qu’il y ait contact. L’auteur de cette liste n’a jamais personnellement expérimenté cette force mais il a déjà ressenti la « projection d’énergie » (perçue comme une sensation de chaleur se mouvant selon la volonté et les déplacements de l’expert). Avant même d’atteindre ce niveau, il y a énormément de travail à réaliser sur les Jing déjà évoqués.

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